D’abord une montage magnifique, arpentée par une route qui a dû en voir des accidents tellement elle est escarpée et en état assez pitoyable par moments … Puis un lac typique des réalisations humaines sans charme, et enfin une ville où l’on se demande quelle place la chaleur humaine peut avoir. Et tout cela au bord d’une autoroute nouvelle construite mais qu’on ne peut emprunter qu’à 80 voire 60 km/h. C’est cela l’avancée technologique bureaucratique ? Alors, il reste bien par tronçons l’ancienne route et ses ouvrages d’art décrépis prêts à tomber dans le lac, empruntés par Mesdames les vaches et par … moi ! Même pas peur ! la preuve, je souris sur cette photo (non, ne soyez pas mauvaise langue, une fois encore : pas de trucage !). Bon allez, Kukës, grâce à notre jeune professeur, on la connaît par cœur, et on l’aime bien, lui qui semble nostalgique de la période précédente … qu’il n’a pas connue. Fin prêts, on va pouvoir écrire le guide Michelin de l’Albanie du Nord. Allez, pour ta verve, merci Eduard !
Ils / Elles m'ont fait l'immense plaisir de m'accueillir le temps d'une nuitée :
Eduard de Kukës
Il peut paraître bien rapide de « visiter » cette petite ville reconstruite rapidement par le régime communiste, en se disant que l’on va vite retourner à l’hôtel pour passer le temps … mais c’est bien sans compter sur Eduard, professeur fraîchement sorti de son université de Shkodër et enseignant depuis six mois l’anglais à l’école primaire du lieu. Comme par les autres enfants, je suis assailli par les questions « what’s your name ? do you come from ? » mais avec Eduard, cela va plus loin. Eduard veut parler anglais, ce dont il n’a pas souvent l’occasion, c’est le moins que l’on puisse dire ici … Alors il me faut faire le tour de cette ville reconstruite rapidement en 1975 quand la ville ancienne s’est retrouvée engloutie dans les eaux du lac suite à la construction d’un barrage hydro-électrique. La rue principale, large comme un boulevard industriel et arpentée uniquement par des piétons, la place des pouvoirs, aux aspects de terrain vague bétonné, l’hôtel gigantesque d’une autre époque communiste, navire fantôme abandonné (et qui ne sera certainement jamais restauré, vu les soucis économiques), mais aussi les bars, les boutiques … Et l’on échoue sur la terrasse kitsch de l’un des hôtels au bord d’un bassin digne d’un Euro-disney des années 1950. Autour d’une glace, Eduard me raconte sa famille, son père qui travaillait dans une usine de boulons mais sans emploi, sa mère qui serait « un peu » occupée dans une usine de tissus mais qui passe surtout son temps à s’occuper de son frère aîné doublement handicapé, sa sœur qui gagne des clopinettes dans un magasin de robes de mariées, le petit frère de treize ans qui passe son temps sur l’Internet familial, et lui, gagnant un salaire très faible mais travaillant quand même … Tout ce petit monde vivant dans un deux pièces où l’on s’entasse … mais où l’on s’aime en appréciant de vivre ensemble. Bien-sûr Eduard, il aimerait bien voyager plus loin que la Grèce ou le Kosovo, mais l’argent des salaires ou des rentes suffit à peine à couvrir les dépenses … Quel espoir ? mais pas de désespoir. Eduard, il aime sa ville et sa famille, des amis et l’Albanie ! il est musulman (mais pas adepte du Ramadan), mais apprécie qu’ici il n’y ait ni tensions ni ségrégations entre les religions.
Et pour lui, la paix, elle est bien là, sans soucis avec le Kosovo. Malgré les difficultés, il fait bon vivre à Kukës ! enfin, il viendrait bien marcher, mais ce doit être « dur », me dit-il …
"Quel plaisir pour un simple professeur d’anglais de cette petite ville de pouvoir parler anglais ! J’espère que vous avez apprécié la visite de notre ville, merci pour la glace et bonne poursuite de votre voyage. Moi j’espère bien un jour voyager et découvrir votre beau pays" (Eduard)